mercredi, juin 14, 2023

Beaujolais - Gloire et déboires - David Bessenay

 

Avant-propos

  • Beaujolais, c'est le nom porté par les habitants qui peuplent ce coin de France de plus de 210 000 âmes.
  • Si le succès conduit le vigneron à la facilité, la souffrance, elle, amène à la remise en cause, à la régénérescence.
  • A fin février 2020, les ventes de la campagne 2019/2020 affichaient une croissance à deux chiffres (+12,5%). Des voyants enfin au vert qui permettaient d'envisager un incroyable come-back.

Chapitre 1 Cette année-là...

  • Campagne primeur 1987 : plus de 612 000 hl ont été agréés en vin nouveau, soit une progression de 15%.
  • Sur les dix dernières années, le Beaujolais s'est encore étendu de 2 000 ha pour atteindre une surface de 21 500 ha.
  • Depuis 1977, le Beaujolais a dépassé la barre du million d'hectolitres de production et flirte désormais avec 1,3 million hl.
  • R.M.N : Résonance Magnétique Nucléaire. Une technique qui permet de distinguer dans le vin les sucres ajoutés des sucres naturels du raisin et donc de pourfendre les tricheurs.
  • Un vin surchapitalisé n'a rien de dangereux pour la santé, simplement il perd de ses qualités gustatives, il est moins fin, moins fruité, il a moins de personnalité. Il faut des raisins mûrs et sains pour faire des grands vins.
  • L'ajout de sucre est aujourd'hui limité à un équivalent de 1,5 degrés. Mais qui s'en soucie ? Le réchauffement climatique a fait son oeuvre.
  • Il faut apporter des amendements organiques qui permettront à nos sols d'avoir une vie microbienne active, un taux d'humus assurant une bonne structure et une meilleure résistance à l'érosion.
  • Une vigne enherbée c'est moins d'énergie offerte aux raisins donc moins de rendements.

Chapitre II Le jus de novembre

  • Si l'on prend le cas du beaujolais dans la pratique, il s'est toujours bu du nouveau et ce bien avant 1951.
  • Le primeur reprend sa progression jusqu'à dépasser la barre symbolique des 100 000hl en 1970.
  • A son apogée, il se stabilise entre 400 000 et 450 000 hl, connaissant même des pics à 600 000 hl agréés.
  • On est donc plus proche du relationnel, de la convivialité que de la stratégie marketing élaborée.
  • La grande distribution a fait du primeur un produit d'appel, pas cher, en bout de gondoles, ce qui contribue à détériorer son image.
  • Le Japon demeure le plus grand importateur de beaujolais nouveau, 37 000hl en 2019, soit le triple que le second du classement (Etats-Unis). C'est quand même 50 % des exportations du primeur.
  • La moyenne de production pondérée sur dix ans en AOC beaujolais s'établit à 38 hl/ha en 1960 et à 58 hl/ha en 1974.

Chapitre III Banana spleen

  • Il n'est pas rare d'entendre un opérateur raconter comment il a surpris agréablement un client en lui servant à l'aveugle un beaujolais nouveau de plusieurs années d'âge.
  • Le goût de banane, dit "amylique", provient de l'acétate d'isoamyle, un ester qui est libéré naturellement au cours de la fermentation semi carbonique et qui explique qu'on décèle un goût de banane dans les beaujolais nouveaux.
  • Le beaujolais, ce doit être frais, fruité, souple et soyeux.
  • Maladies cryptogamiques
  • French Paradox : théorie selon laquelle les Français réduiraient leur risque d'infarctus par la consommation de vin rouge.
  • L'offre française à l'international est totalement illisible et incompréhensible pour la majorité des consommateurs. A constater aujourd'hui le succès des appellations et climats bourguignons, on apprécie la pertinence de l'analyse.

Chapitre IV La débacle

  • Un français consommait 100 l de vin par an dans les années 1970, 71 l en 2000 et 51 l aujourd'hui.
  • Entre 1998 et 2008, les exportations de beaujolais sont divisées par deux. En 2017, elles s'élevaient à guère plus de 228 000 hl.
  • Onivins : Office national interprofessionnelles vins est une structure publique chargée de gérer le secteur viticole, aujourd'hui fusionné avec d'autres offices au sein de FranceAgriMer.
  • En l'an 2000, le vignoble n'a toujours pas réduit la cadence et produit entre 1,2 à 1,4 millions d'hectolitres.
  • Les raisins gonflent et finissent par pourrir. Les vignerons voient ressurgir la géosmine, un cocktail microbien un peu oublié qui donne des goûts "moisi-terreux" en langage oenologique. 
  • Campagne d'arrachage de 2003 : plus de 3000 ha, presque 15% des surfaces, est un réel succès dans le sens de l'exécution, mais ne résout rien à la crise beaujolaise.
  • En 2015, il n'y a plus que 1947 exploitants contre 3475 en 2004. Environ 1500 vignerons on donc quitté le métier, retraite ou départ volontaire, à un rythme de 200 cessations par an avec un pic en 2006 (318 arrêts) et 2007 (259) qui correspond bien au papy-boom. On dénombre sur cette période plus de 2000 cessations d'activités d'un côté contre 771 créations de l'autre, parfois éphémères, quand l'épouse du vigneron, plus jeune, reprend l'exploitation à son nom pour quelques années en attendants sa propre retraite.
  • A l'aube des années 2000, le Beaujolais étalait fièrement ses 23 000 ha. Les surfaces revendiquées en AOC beaujolais sont passées à seulement 17 579 ha en 2015 (14 492 ha en 2019), soit une perte de 25%.
  • L'AOC beaujolais est passée de 9 993 à 6 854 ha et le beaujolais-villages de 6 518 ha à 4 648 ha. Les dix crus ont réussi à limiter la casse.
  • Dans un monde rural très mutique (qui refuse de parler), souvent incapable de dire ses souffrances.
  • On craignait que parler de la crise stimule nos concurrents et nous affaiblisse encore. Et puis il y avait de la culpabilité chez nos élus et, pour une part, encore un peu de déni. C'était compliqué pour beaucoup de faire le deuil de quarante ans de développement quasi ininterrompu.

Chapitre V Ingouvernable

  • Daniel Bulliat, fondateur de la fête des Sarmentelles de Beaujeu.
  • L'Etat en 2007 avec sa réforme des AOC : la création des ODG (Organisme de défense et de gestion) en lieu et place des vétustes "syndicats d'appellation".

Chapitre VI Gamay-over ?

  • L'Empereur romain Probus l'aurait ramené de ses victoires en Europe Centrale jusqu'à Lugdunum.
  • Le gamay est un cépage précoce donc sensible au gel et son cycle végétatif est court. Il est relativement fertile et doit être maîtrisé par certaines techniques comme une taille courte (laisser peu d'yeux sur les rameaux de l'année précédente), ébourgeonnage (suppression des bourgeons superflus), vendanges en vert (éliminer des grappes l'été pour que celles restantes murissent mieux). Il est sensible aux maladies cryptogamiques - oïdium, mildiou, black rot - et au botrytis à cause de sa peau fine.
  • Il n'en reste aujourd'hui que 30 000 ha à travers le monde dont une petite moitié en Beaujolais.
  • La vinification beaujolaise repose traditionnellement sur la macération semi-carbonique, technique qui consiste à saturer une cuve en gaz carbonique. La vendange arrive en grappes entières et est ainsi laissée dans un environnement anaérobie mais avec une surveillance attentive du chapeau de la cuve pour s'assurer de l'absence d'odeurs inquiétantes. Ce procédé permet un démarrage rapide de la fermentation intracellulaire et favorise l'expression d'arômes fruités. La plupart des vignerons interviennent par remontage, piégeage ou grillage.
  • L'intérêt de conserver la rafle lors de la macération. Elle apporte plus de complexité aromatique, les vins sont moins acides.
  • Un vin à 100% égrappé, c'est plutôt mou et ça manque de caractère. La grappe entière apporte fraîcheur et maturité.
  • L'égrappage évite les tanins durs.
  • Confronté au recul de la consommation des vins rouges, le Beaujolais veut prendre sa part dans l'essor des bulles, des vins blancs et rosés. Dans cette optique, le gamay, cépage à la peau rouge mais à jus blanc, peut faire jouer sa polyvalence.
  • Tous les bassins font des programmes de rétro-croisements entre cépages résistants et cépages emblématiques.
  • Nous avons l'obligation morale de tester ces cépages car le défi environnemental est là. 

Chapitre VII Fiers d'être bourguignons ?

  • Quand vous buvez une bouteille de crémant de Bourgogne vous avez une chance sur deux de boire un vin effervescent dont les raisins proviennent du Beaujolais.
  • Pour l'INAO, et donc pour la filière, le Beaujolais et la Bourgogne forment un seule et même bassin, appelé Grande Bourgogne, quasiment d'Auxerre à Lyon.
  • L'appellation bourgogne est réservée au pinot et au chardonnay, et au gamay dans l'arrondissement de Villefranche.
  • La viticulture est néanmoins partagée entre ceux qui voient la Bourgogne comme une bouée de sauvetage et d'autres qui estiment qu'il faut s'en affranchir pour faire briller de nouveau le mot "Beaujolais".
  • Souvenons-nous qu'on cultivait de l'aligoté à Meursault et du gamay sur les hautes côtes de Beaune.
  • Le sud-est est en partie argilo calcaire, comme la Bourgogne, et les pinots et chardonnay s'y épanouissent.
  • C'est quoi un Bourgogne ? C'est à la fois les éléments naturels et des critères humains.
  • Aujourd'hui 10% des Beaujolais partent en Bourgogne.
  • Pourtant le Beaujolais a toute une histoire à raconter.
  • L'ensemble la zone beaujolais peut revendiquer du crémant de Bourgogne et ne s'en prive pas. Le Rhône est le premier département producteur de crémant de Bourgogne. De 79 ha en 2007 nous atteignons 1300ha aujourd'hui sur les 3000 de l'appellation.
  • Le crémant de bourgogne est produit à partir de chardonnay, de pinot mais aussi de gamay, pour ce dernier à hauteur de 20% maximum (une jauge qui devrait grimper prochainement à 30%).
  • Dans trois ou quatre ans on fera plus de crémant de bourgogne que de beaujolais nouveau.
  • Pour un consommateur, le bourgogne = pinot.
  • Les courtiers bourguignons et beaujolais travaillent main dans la main.

Chapitre VIII Des pionniers malmenés

  • "L'appétit augmente la sensibilité du palais" Jules Chauvet, "Le vin en question", les Editions de l'Epure, 2018.
  • 210 en Beaujolais est le siège des instances viticoles à Villefranche-sur-Saône.
  • Sébastien Lapaque, le "Socrate du Beaujolais". "Chez Marcel Lapierre", Stock, 2004.
  • Il faut des levures pour bien fermenter les sucres, des levures variées, donc il faut labourer.
  • La rencontre avec mes clients m'a fait évoluer dix fois plus vite. Un vigneron qui n'a pas de contact avec des consommateurs n'avance pas.
  • En oenologie le SO2 est utilisé depuis plusieurs siècles pour stabiliser les vins, lutter contre l'oxydation et autres déviances bactériennes. On tolère dans les vins naturels une adjonction minimaliste de soufre au moment de la mise en bouteille à hauteur de 30 mg/l, tandis que les vignerons conventionnels l'utilisent à des doses plus importantes mais dans le respect de la législation européenne (jusqu'à 160 mg/l pour les rouges et 210 mg/l pour les blancs et mousseux)
  • Le nouveau cahier des charges "Vin méthode nature". Il pose noir sur blanc les grands principes au cuvage (pas d'intrants, doses de sulfites limitées, pas d'intrusion technologiques, levures indigènes uniquement) et il exige enfin, que chaque cuvée soit issue de vignes bios.
  • Le Siqocert (anciennement Cibas) est l'organisme professionnel en charge de l'agrément, c'est à dire de l'autorisation de mettre un vin sur le marché.
  • On l'aura compris, la production et la consommation de vins naturels ne se résument pas seulement à une histoire d'évolution du goût. Ce sont des vins d'engagement philosophique, presque politique, des vins militants.

Chapitre IX Les nouveaux seigneurs du vignoble

  • Longtemps le Beaujolais, aidé par son bras préempteur, la SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural), a cadenassé le foncier et empêché tout investisseur d'approcher.
  • En 1971, les américains parviennent à mettre un pied en Beaujolais et plutôt taille 48 ! Seagram Distillers, géant américain de vente d'alcools, rachète le Château de Pizay à Saint Jean d'arrières et ses 272 ha de vignes et de bois.
  • L'îlot central, le chateau entouré de 37ha, est racheté par l'assureur mutualiste historique de la filière devenu Groupama. C'est aujourd'hui un hôtel-restaurant de bon standing, avec son spa et son espace de découverte oenologique, et un domaine qui a retrouvé des dimensions XXL (80ha) sous la coupe de son régisseur Pascal Dufaitre.
  • Michel Deprost, Beaujolais : Vendanges amères, Edition Golias, 2004
  • La plupart des domaines n'ont pas d'héritier et le montant des fermages n'est pas très intéressant, donc il vaut mieux vendre.
  • Environ 200 à 250 ha par an, soit 1,5% du vignoble change de main chaque année.
  • Le prix moyen de l'hectare est passé d'environ 60 000€ dans les belles années à un peu plus de 10 000€.
  • Le foncier beaujolais se révèle donc très attractif comparé aux voisins du nord comme du sud.
  • Le faible coût du foncier démocratise l'achat de vignes.
  • Mais la vigne c'est différent de l'informatique, les temps sont extrêmement longs. La remise sur pied d'un domaine, tant au niveau technique, agronomique que commercial, prend en effet quelques millésimes et beaucoup d'argent.
  • Un an et demi après son installation, il commercialisait déjà ses vins dans quatorze pays.
  • Jean-Claude Boisset, après avoir acheté la société Mommessin à Quincié en 1996 s'est aussi installé au château de Pierreux à Odenas, un beau domaine de 104 ha en Brouilly.
  • Labellisation bio et mise sur l'oenotourisme.
  • Le trio de tête des faiseurs de beaujolais est connu, les établissements Mommessin, Loron et Duboeuf.
  • Je me levais à 4 h et j'étais au travail à 5h30. Je passais mes premiers coups de fils aux vignerons et aux courtiers un quart d'heure plus tard. Georges Duboeuf.

Chapitre X : familles recomposées

  • On a travaillé sur l'égrappage, la macération à froid, la maturité optimum des raisins, le tri sévère de la vendange et ça a marché. On a dopé notre marché américain.
  • Au-delà du romantisme de devenir vigneron.
  • On croit à l'avenir du vignoble.
  • Au nord, la cave de Bel-Air, près de Belleville, avait absorbé celle de Chriroubles pour renforcer sa position dans les crus, avant de former en 2017 avec le Cellier des Saint-Etienne la coopérative Vinescence.
  • En 2014, la coopérative de Bel-Air (devenue Vinescence) a créé sa propre exploitation. On en assure la culture pour les remettre ensuite à des jeunes vignerons pour renforcer leur installation et se diversifier, explique le directeur Jean-Paul Civeyrac.
  • Les capréoles : les vrilles de la vigne.
  • Beaucoup d'exploitants s'occupent du commerce et embauchent des salariés pour travailler la vigne.
  • Travail détaché : la rémunération doit se baser sur le SMIC français, l'entreprise paye les charges dans son pays d'origine.
  • Finalement le lobby agricole a gagné son bras de fer, comme souvent.

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